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Les traders manipulent t'il le monde?
18 mai 2011

Les bonus des traders ne sont pas seulement scandaleux : ils annoncent aussi le retour de la spéculation.

Avant que n'éclate la prochaine bulle, il faut des mesures fortes pour réguler le secteur financier dans son ensemble.

Depuis que Libération a révélé que BNP Paribas avait mis 1 milliard d'euros de côté au premier semestre 2009 pour payer les bonus de ses traders, la question des rémunérations dans la finance est revenue au premier plan de l'actualité. Les salaires, fixes et variables, que touchent ces salariés très spéciaux sont en effet colossaux, souvent supérieurs mêmes à ceux, faramineux, des PDG des banques qui défraient pourtant régulièrement la chronique. Compte tenu de la responsabilité directe de la spéculation financière dans la profonde crise que nous traversons, il est logique que le retour de ces bonus fantastiques suscite l'exaspération au moment où nos pays subissent la montée du chômage, des faillites, des plans sociaux… Et vont continuer de les subir au cours des mois prochains, même si l'activité se stabilise.

Il faut donc, en effet, trouver des moyens de limiter les rémunérations scandaleuses des traders. Pour autant cette question ne doit pas masquer un problème plus grave encore et plus inquiétant pour l'avenir : si les traders se remettent à gagner des mille et des cents c'est parce que les banques elles-mêmes, ou les clients pour le compte desquels elles opèrent sur les marchés financiers, y gagnent de nouveau des fortunes parce que la spéculation y est repartie de plus belle. Il faut certes des mesures contraignantes pour limiter les rémunérations des traders, mais il en faut surtout pour décourager la spéculation qui est à la base de leurs bonus.

Après avoir atteint son point bas à 2 591 points le 3 mars dernier, le CAC 40 dépasse de nouveau les 3 500 points, une hausse de 40 % en quelques semaines… Et c'est la même chose sur le marché du pétrole, des autres matières premières, sur les marchés de devises… Les acteurs de la finance ont utilisé les montagnes de liquidités mises à leur disposition quasi gratuitement par les banques centrales dans la crise pour relancer la spéculation… Et cela dans les grandes largeurs. Au lieu de s'en servir pour financer l'économie réelle – les chiffres dont on dispose montrent que le volume des crédits accordés tant aux ménages qu'aux entreprises reste partout très faible. Les banques se défendent en indiquant qu'elles voudraient bien prêter, mais que c'est la demande de crédit qui n'est pas au rendez-vous. Cette faiblesse est sans doute une réalité, mais cela ne change rien au résultat : la spéculation est bien repartie mais pas le crédit, qui irrigue l'économie réelle et nourrit la croissance économique…

Le retour de la spéculation

Or, qui dit rendements élevés tirés par les banques et les acteurs financiers de ces activités spéculatives (dont les bonus des traders ne sont qu'un sous-produit) dit risques élevés. C'est en effet une loi immuable en finance : si on ne veut pas prendre de risques, il faut accepter de se contenter de rendements faibles et si, a contrario, on réussit à dégager des rendements élevés, c'est qu'on est en train de prendre des risques importants… Avant la crise de 2007-2008, les acteurs de la finance avaient essayé de nous persuader, et c'était sans doute pour une bonne part convaincus eux-mêmes, qu'ils avaient trouvé le moyen de dégager des rendements élevés tout en limitant les risques en les répartissant davantage grâce à ce qu'on appelle la titrisation… S'il y a bien une leçon qu'il faut tirer de la crise actuelle, c'est que cette réduction des risques était une illusion : pas plus que les alchimistes du Moyen Age, les financiers du XXIe siècle n'ont trouvé la pierre philosophale qui permet de transformer le plomb en or…

Si le temps des rendements élevés est revenu sur les marchés, c'est donc que celui des risques importants l'est aussi : la prochaine bulle spéculative est en train de gonfler. Au-delà de la seule question du bonus des traders, c'est ce processus qu'il faut réussir à stopper avant qu'il ne soit trop tard et que nous soyons de nouveau obligés de renflouer à grand renfort de milliers de milliards d'argent public les spéculateurs qui auront tout perdu quand cette bulle explosera. Après qu'ils s'en furent de nouveau mis plein les poches pendant qu'elle gonflait.

Pour y parvenir, les moyens à mettre en œuvre sont à la fois simples et connus : il faut contraindre les banques et les autres acteurs financiers à mettre suffisamment d'argent de côté pour être en mesure de vraiment faire face par eux-mêmes aux risques qu'ils prennent sur les marchés financiers. Ou, ce qui revient au même mais est sans doute plus sûr, il faut prélever une part significative des plus-values réalisées en spéculant pour alimenter une cagnotte publique destinée à faire face aux risques financiers si une bulle éclate. Ce qui, en réduisant fortement les gains de court terme que les financiers réalisent grâce à elle, aura également pour conséquence de rendre la spéculation elle-même beaucoup moins attirante (et donc aussi moins rémunératrice pour les traders)…

Si le remède est simple et connu, sa mise en œuvre est évidemment complexe : elle heurte des intérêts extrêmement puissants et nécessite un degré élevé de coordination internationale, faute de quoi, les activités spéculatives se déplaceront simplement d'un lieu à l'autre… Mais en tout cas, si le G20 qui se réunit à Pittsburgh à la fin du mois de septembre se contente de traiter la question du bonus des traders sans prendre de mesures pour limiter les activités spéculatives elles-mêmes, il se sera contenté de poser un cautère sur une jambe de bois…

http://www.alternatives-economiques.fr/les-bonus-et-les-risques---le-retour-de-la-speculation_fr_art_633_43906.html

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